Plonger dans les bacs, discuter vinyles, sentir la passion dans chaque sillon : les disquaires parisiens sont bien plus que des boutiques, ce sont des refuges. Loin de Spotify et des algorithmes, Poisson Vélo vous ouvre leurs portes.
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En préparant cette newsletter, j’ai découvert deux chiffres assez révélateurs de l’état actuel de l’industrie musicale. Le premier, c’est qu’en 2024, autant de morceaux sont sortis en une journée que sur toute l’année 1989. Dit comme ça, ça pourrait être une bonne nouvelle : ça fait plus de musique à découvrir et à partager. Mais est-ce qu’on a le temps et la capacité d’écouter autant de musique ?
Ces derniers temps, sur les réseaux sociaux, un mouvement invite à déserter Spotify. Si pour beaucoup, l'alternative est de s’inscrire sur un autre site de streaming, certain·es encouragent carrément à se remettre à écouter de la musique physique, à ressortir sa platine vinyle ou à se racheter un Walkman. Acheter de la musique, même en passant par bandcamp, permet de rémunérer correctement les artistes et toutes les personnes impliqué·es dans la production d’un disque. Et pour ça, rien ne vaut les disquaires !
Ce qui nous amène au deuxième chiffre que j’ai découvert ces derniers jours. En 2020, en France, il ne restait que 300 disquaires indépendants. À titre de comparaison, on recense environ 39 000 boulangeries aujourd’hui. Il faut dire que le vinyle est devenu un produit de luxe. La faute à l’augmentation du prix des matières premières, du carburant, des loyers, mais aussi aux marges des maisons de disque.
À Poisson Vélo, on pense qu’i faut se battre pour empêcher les disquaires de disparaître. Ce sont des lieux de rencontres avec des passionné·es, où on peut assister à des showcases, feuilleter des revues, fouiller dans des bacs à vinyles et écouter des disques pendant des heures.
Et c’est pour ça qu’on a voulu mettre les disquaires à l’honneur dans ce septième numéro de notre newsletter. On vous a préparé une cartographie qui recense nos disquaires préférés à Paris, on est allées passer une aprem’ à Balades Sonores, disquaire mythique du 18e arrondissement menacé de fermeture. On vous parle des alternatives aux plateformes de streaming et aussi de l’importance des pochettes de disque. On a également rencontré Aucun Numéro, qui fabrique ses cassettes lui-même, et on vous révèle à quel disquaire votre signe astro correspond !
✍️ – Zoé Pinet, co-fondatrice de Poisson Vélo
Marre d’écouter les mêmes morceaux en boucle ? De se faire dicter ses goûts par les plateformes de streaming ? Dans un monde qui va toujours plus vite et où l’on se sent poussé·es à la consommation en permanence, réapprenons ensemble à écouter la musique. On te propose 5 options pour ne plus dépendre des algorithmes et découvrir tes prochains sons préférés.
🐡· Réinstaller la radio dans son quotidien
Beaucoup de stations constituent leurs playlists à l’aide d’intelligences artificielles et d’algorithmes. Mais c’est loin d’être le cas pour les meilleures d’entre elles, qui proposent de la vraie musique sélectionnée par de vraies personnes. Ma favorite de tous les temps, c’est la radio NTS basée à Londres, qui couvre tous les genres possibles et inimaginables. En tant que fidèle normande, je pense également aux deux meilleures radios de la région : Phénix et 666 <3 Vive les stations associatives régionales : renseigne-toi sur celles qui diffusent par chez toi, tu pourrais être surpris·e !
🐠· Faire attention aux programmations des salles de concerts que tu fréquentes
Si tu as l’habitude de te rendre dans une salle de concerts en particulier, on te conseille de regarder le reste de sa prog’. Tu y trouveras sûrement des artistes dans le style de celle·eux que tu es déjà venu·e voir. Et si tu es fan d’une scène plus niche ou qui se produit rarement à Paris, tu peux suivre les actus de salles à l’étranger : Londres, Tokyo, Istanbul… On te conseille aussi de prêter attention aux programmations des festivals indé qui ont souvent l'œil pour les artistes émergent·es.
🐟· Parler et partager la musique avec vos proches
Contre les algorithmes et les IA génératives, rien de plus puissant que des vrais gens. On écoute tous·tes de la musique, pourquoi ne pas en parler davantage entre nous ? Avec nos amis, nos familles, nos partenaires, nos collègues même ! S’il y a bien une fonctionnalité cool sur les plateformes de streaming, c’est celle de pouvoir créer des playlists collaboratives. Profitons-en et partageons nos titres préférés avec celle·eux qu’on aime.
🦈· Lire les médias spécialisés
Pour découvrir de nouveaux artistes et de nouveaux groupes, nous on lit encore la presse musique 🤠 et promis, il y a plein de choses intéressantes : qu’il s’agisse des grands titres de la presse traditionnelle, de comptes TikTok animés par des journalistes musique, de médias étrangers comme So Young, Pitchfork, Stereogum, NME… Le site Album of the Year, qui recense les albums les plus attendus et qui renvoie vers des chroniques de différents médias, est également une bonne option pour découvrir de nouveaux projets. Et puis bien sûr, il y a Poisson Vélo ! Depuis notre création il y a un an et demi, on fait tout pour vous faire découvrir les artistes et groupes de demain <3
🐬· Aller chez le disquaire !
Last but not least : faire un tour chez le disquaire. Là-bas, on a affaire à des professionnel·les du secteur, qui peuvent vous aiguiller vers votre prochain album préféré. Et même quand on est fauché·e comme moi, aller chez le disquaire pour faire du lèche-vitrine et pour glaner des conseils est déjà une super option. Gardez l'œil ouvert, certains organisent aussi des événements – concerts, écoute groupée d’albums…-.
✍️– Lorène Bienvenu, co-fondatrice de Poisson Vélo
On a poussé la porte de Balades Sonores, le disquaire culte du 18e. Esther et Thomas nous racontent leur aventure à une époque où être disquaire relèverait presque de la résistance. Leur lieu est menacé, et il est temps de leur filer un coup de main.
📹 – Zoé Pinet + Roxane Volclair, journaliste pour Poisson Vélo
Chez Poisson Vélo, on ne manque (presque) jamais un concert d’Aucun Numéro, alias Adrien Allegre. Ses shows ressemblent à des karaokés géants et poétiques : une télé vintage diffuse les paroles, entre montagnes, héros, étoiles, roses et chardons. À travers ces métaphores, il interroge l’avenir, l’espace, l’amour, le deuil et la quête de sa place dans le monde.
La première fois qu’on l’a vu, on lui a acheté une K7 – qu’il fabrique lui-même, fidèle à son esprit DIY. « Je m’obstine à faire des cassettes que personne n’achète, mais c’est un plaisir », dit-il sur Instagram. On l’a donc appelé, d’abord pour lui dire qu’on en achète, mais aussi pour parler de ce support génial, pas cher et ultra malléable.
Poisson Vélo – Hello Adrien ! Tu peux nous raconter pourquoi tu as choisi la cassette comme support pour tes albums ?
Aucun Numéro – D’un point de vue commercial, faire des cassettes, c’est nul. Personne ne les achète. Les gens qui me les achètent aujourd’hui, c’est pour me faire plaisir. Mais pour moi, ça concrétise le travail qui a été fait. Ça permet de dire : « Ça, c’est terminé ! ». Il y a un objet, c’est symbolique. Ça crée aussi la possibilité de venir discuter avec moi après les concerts. La fin d’un concert, c’est toujours un moment un peu chargé, tu dois ranger ton matos, et tout ça. Le fait d’avoir du merch, c’est cool parce que ça permet de dire : « Venez nous voir ! ».
PV – Et pourquoi la cassette, et pas autre chose ?
AN – J’aime beaucoup ce support, parce qu’il est très flexible. Parfois je retouche des morceaux qui sont déjà sortis, et je les remets en secret sur Bandcamp. Il y a des gens qui trouvent que c’est une hérésie de faire ça : une fois que la musique est sortie, ils ne touchent plus à rien. Moi, je ne suis pas du tout comme ça ! Et la cassette c’est super, parce que tu peux réenregistrer dessus. C’est un support qui est malléable.
PV – Comment on fait une cassette ?
AN – Il suffit d’avoir un lecteur et des supports. C’est pas facile de trouver des cassettes vierges en France, alors je les achète au Royaume-Uni. Je balance le son dans l’entrée de mon lecteur cassette, et ça enregistre ! Faire une cassette, c’est différent des CD ou du numérique : tu es obligé de faire passer tout ton album pour l’enregistrer.
PV – Tu fais quoi pendant ce temps-là ?
AN – J’écoute religieusement mon album passer (rire). Non, en général, je bosse sur les pochettes. Ça me fait des petits ateliers pratiques et manuels.
PV – Sur Instagram, tu proposes même à ceux•celles qui t’achètent une cassette d’enregistrer une dédicace. Tu vas vraiment le faire ?
AN – C’était pour la blague mais y a quand même des gens qui m’ont demandé. Le côté cool de la cassette, c’est que tu peux rajouter des choses au début ou à la fin. J’aimerai exploiter le côté unique de la cassette. Tu ne peux pas les faire à la chaîne, t’es obligé de les faire une par une. Au début, je pensais enregistrer des morceaux live sur chaque face B. Mais en fait, ça demande beaucoup de boulot. Alors voilà, je fais des petites dédicaces. C’est poétique les cassettes.
PV – Selon toi, quelle différence y a-t-il entre écouter un album sur une plateforme de streaming ou sur un support physique ?
AN – En soirée, les gens mettent des playlists automatiques en fonction de leur humeur. C’est un peu le sandwich au jambon de la musique. C’est genre : tu as faim, tu te mets un truc dans le bide et tu réfléchis pas à ce que tu manges. Les plateformes créent un rapport utilitaire à la musique, alors que les supports physiques favorisent l’écoute en entier d’un album. Un album, c’est pas juste une compile de morceaux les uns après les autres. Spotify met en avant ta chanson la plus écoutée, et te recommande d’autres chansons encore plus écoutées. Ça t’amène vers des trucs qui se ressemblent et qui ont du succès. Et comme les trucs qui ont du succès c’est toujours un peu lisse, tu finis par retomber sur de la soupe. Ça montre surtout que l’algorithme n’arrive pas à être un bon curateur. Aujourd’hui, il y a vraiment besoin de gens qui écoutent des trucs et qui donnent leur avis dessus !
Aucun Numéro sera en concert le 13 octobre au Pop Up, alors foncez les voir (et pourquoi pas leur acheter une cassette ?)
✍️ – Zoé Pinet
On vous a préparé une cartographie de notre sélection des disquaires de Paris ! 💥
✍️ – Zoé Pinet
🧑🎨 – Nina Decup, directrice artistique de Poisson Vélo
Grégoire Bienvenu est enseignant chercheur à l’université de Paris Nanterre. Pour Poisson Vélo, il nous explique l’importance et la poésie derrière la pictographie des pochettes de vinyles.
✍️ + 🎨 – Zoé Pinet
Erratum !!! Chers sagittaires, on ne parlait pas de Ground Zero mais de Ground Control !
✍️ – Lucyle Espieussas, astrologue de Poisson Vélo
🧑🎨 – Nina Decup
Notre mission est de rendre les scènes et la presse musicale plus accessibles aux femmes et aux minorités de genre. Cette newsletter et les suivantes te sont offertes. Mais en soutenant Poisson Vélo, même de quelques euros, tu contribues au développement d’un média indépendant.
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With love, Poisson Vélo
Cette newsletter a été réalisée par Lorène Bienvenu, Zoé Pinet, Nina Decup, Lucyle Espieussas, Roxane Volclair et Elisa Verbeke.