Il existe une étonnante concentration de programmation rock dans les festivals de Normandie cette année. Alors comme Poisson Vélo adore la région, on a décidé d’aller vérifier par nous-mêmes. Et de vous offrir des places de festivals pour que vous puissiez nous dire si oui ou non la Normandie est une terre de rock.
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J’ai longtemps cru qu’il n’y avait pas de jeunes scènes rock en normandie. Longtemps, j’ai envié celles de Londres et de Paris sans me douter qu’il se passait de supers trucs, aussi, par chez moi. C’est souvent comme ça pour tout, mais il a fallu que je quitte ma région pour mieux la voir et l’apprécier sous tous ses angles. Je n’ai jamais autant aimé être en Normandie que depuis que j’habite à Paris. Tout me manque chez elle, la mer et ses mouettes, le vent qui les porte, l’horizon. Et depuis quelques années j’ai aussi appris à m’attacher à ses scènes émergentes, ses festivals, ses publics que je découvre petit à petit.
Cette année, j’ai été surprise de voir une prog rock indé aussi dense autour de chez moi. En travaillant à la sélection des festivals qu’on vous proposait dans le dernier numéro de Bloup Bloup, je me suis rendue compte de la concentration de groupes fous qui allaient jouer dans ma région cet été. Pour ce nouveau numéro, qui tombe pile poil entre Beauregard et Chauffer dans la Noirceur, on a pensé que c’était le bon moment pour vous parler du rock en Normandie. Pour ça, rien de mieux qu’un peu de terrain.
On a commencé par prendre un flixbus direction Cabourg où on a rencontré des collégien•nes hyper curieux•ses et motivé•es. Avec elleux, on est allé•es poser des questions au groupe de post-punk anglo-normand, Pamela. Là-bas, on a aussi fait la connaissance de Charlotte Lesauvage, programmatrice du festival Douce Amère et chargée d’un dispositif de repérage et d’accompagnement des artistes de Normandie, avec qui on a parlé des initiatives mises en place pour les scènes émergentes.
On a poursuivi notre chemin jusqu’au festival Beauregard où l’on a demandé aux festivalier•es pourquoi le retour du rock dans les progs de festivals c’est important pour elleux. À Beauregard, on a été invitées par nos ami•es de Tsugi Radio et des radios Phénix et 666 à l’antenne, pour parler de ce revival du rock… Enfin, on s’est projetées à la fin de l’été en discutant avec Lena Guerard, programmatrice de Rock in the Barn, festival génial auquel Poisson Vélo se rendra encore cette année. Pour fêter ça, on a une surprise pour vous ! On a aussi réalisé notre habituel agenda concert des deux prochaines semaines. Bon voyage en TER Nomad !
✍️ – Lorène Bienvenu, Normande et co-fondatrice de Poisson Vélo
On vous le teasait dans Bloup Bloup numéro 3, on a organisé un atelier fanzine au festival Cabourg mon Amour et des collégien•nes ont pu interviewer Pamela ! On vous laisse avec cette vidéo hyper cute 🥹
🎥 – Lorène Bienvenu et Zoé Pinet
À Cabourg, on a fait la rencontre de Charlotte Lesauvage. Elle coordonne un dispositif d’accompagnement pour une quarantaine d’artistes de la région. Elle est aussi référente d’un groupe de travail qui rassemble une quarantaine de festivals normands, en milieu urbain comme rural, autour de problématiques communes. Lorène lui a donné la parole !
Lorène Bienvenu : Tu observes des évolutions dans la scène rock indé en Normandie ?
Charlotte Lesauvage : Il y a une vraie vitalité dans cette esthétique. La proximité avec l’Angleterre a longtemps facilité les échanges, surtout dans des villes comme Le Havre ou Cherbourg, et ça a marqué la culture musicale. On voit une vraie continuité dans les projets rock. Il y a régulièrement de nouveaux groupes, ça se renouvelle bien. Après, la question, c’est plutôt : est-ce que ces projets durent dans le temps ? Tout le monde n’a pas la possibilité de pérenniser son projet.
En Normandie, on a un vrai maillage culturel de petits festivals, souvent en milieu rural, avec des programmations très indé. C’est peut-être lié à un esprit de contestation, ou à un besoin d’alternatives culturelles dans ces zones. C’est difficile à expliquer précisément, mais je pense que c’est multifactoriel : proximité de Paris, culture anglo-saxonne, volonté de défendre des scènes locales…
LB : Tu es aussi programmatrice du festival Douce Amère. Comment sélectionne-tu les artistes qui y jouent chaque année ?
CL : Je vais voir plus de 200 concerts par an. J’ai un petit carnet où je note tout ! C’est essentiel pour repérer des artistes du territoire et les valoriser. J’aime particulièrement proposer des découvertes : les gens peuvent voir des têtes d’affiche ailleurs, mais découvrir un projet qu’ils ne connaissent pas, c’est ce qui me motive. On fait aussi très attention à la diversité, notamment à la représentation des femmes sur scène, encore trop faible aujourd’hui.
LB : Tu fais d’ailleurs partie du réseau Audacieuses avec Douce Amère. Il s’agit d’une alliance d’entraide entre trois festivals normands portés par des femmes : Douce Amère, Biche et Rock in the Barn. Tu peux nous expliquer pourquoi c’est important pour toi d’en faire partie ?
CL : On a voulu créer une forme de sororité professionnelle. À l’origine du réseau Audacieuses, il y a ce constat qu’en Normandie, il y a très peu de binômes « directrice–programmatrice », et donc peu de modèles ou de transmissions.
Concrètement, le réseau nous sert à mutualiser du matériel, échanger des infos, et surtout, donner de la visibilité aux femmes dans les musiques actuelles, où il reste difficile d’occuper des rôles centraux. C’est aussi un message pour les jeunes femmes : « Oui, c’est possible. »
Pour l’occasion, on vous a concocté une playlist avec tous•tes les artistes qu’on aime parmi les programmations des festivals normands de l’été. Au programme, Amyl and the Sniffers, qui étaient à Beauregard le week-end dernier, Eat-Girls, attendues à Rock in the Barn en septembre ou encore Opus Kink qu’on aime beaucoup et qui étaient ce week-end à Chauffer dans la Noirceur !
La playlist est à retrouver sur Spotify !
Et en parlant de Beauregard, on y était le week-end dernier ! On a demandé aux festivalier•es leur avis sur la scène rock. On vous laisse avec leurs réponses.
🎥 – Lorène Bienvenu et Zoé Pinet, co-fondatrices de Poisson Vélo
Maintenant qu’on a bien pu profiter de Beauregard, le prochain festival normand qu’on attend c’est Rock in the Barn qui aura lieu en septembre. Zoé Pinet, la deuxième roue du (poisson) vélo a d’ailleurs rencontré Léna Guerard, la programmatrice du festival. On vous laisse découvrir l’interview (et il y a des surprises à la fin) !
Zoé Pinet : Comment es-tu devenue programmatrice de Rock In The Barn ?
Léna Guerard : J’ai commencé l’aventure Rock In The Barn en 2019, au début en tant que bénévole à l’accueil artiste, puis je suis rentrée dans l’équipe orga, à la billetterie. En 2023, l’ancien directeur-programmateur a décidé de quitter l’aventure et on a repris le flambeau avec Agathe Plaisance, la directrice [que Poisson Vélo avait interviewé l’an passé !]. On avait des dettes donc il fallait absolument qu’on continue pour pouvoir au moins rembourser nos frais. On a changé de lieu, puisque la commune où on était avant a décidé d’arrêter de nous aider. Coup de chance : la commune de Vernon (27) voulait absolument nous accueillir. Le maire, qui est toujours là, adore le festival. Il adore le rock, il est venu à toutes les éditions ! Je me suis retrouvée à la tête de la programmation. On s’est tous•tes serré les coudes dans l’équipe et ça s’est tellement bien passé qu’on a réussi à rembourser notre dette. Du coup on a continué ! Aujourd’hui, on est une grosse équipe de copains-copines et en plus à Rock In The Barn, on est quasiment que des femmes à la tête des décisions.
ZP : Comment choisis-tu les groupes que tu programmes à Rock in the Barn ?
LG : Au coup de cœur ! J’ai toujours écouté du rock. Avant de vivre à Paris, j’étais à Rouen (76). J’ai beaucoup évolué avec les groupes de rock de Rouen, j’allais tout le temps au 106 [une salle de concerts mythique de la ville, ndlr]. Quand je suis arrivée à Paris, j’ai continué. L’International, c’était ma deuxième maison. Le Supersonic, j’y vais tout le temps aussi. J’ai rencontré plein de gens, beaucoup d’artistes, je lis toute la presse en lien avec ce genre musical. En général, au début, je regarde ma playlist et je choisis les groupes que j’aimerais accueillir. J’essaie de contacter les bookeurs, et je demande à l’équipe Rock In The Barn leurs coups de cœur, ce qu’ils voudraient voir. C’est comme ça que l’année dernière j’ai programmé VLURE. On avait deux membres de l’équipe qui étaient ultra fans, on les avait vus tous•tes ensemble au Foul Weather, au Havre, en 2023 et on s’est dit qu’en 2024 on voulait les accueillir. L’année dernière, j’ai aussi découvert un groupe que j’adore, qui s’appelle Divorce [que Poisson Vélo a aussi rencontré !]. Je leur ai envoyé un message sur Instagram en disant : « Je vous adore ! Vous êtes jamais venu•es en France, vous bossez avec qui ? » Iels m’ont donné le contact de leur agent anglais et puis ça s’est fait comme ça, et maintenant ils font des supers tournées et iels remplissent des grosses salles.
ZP : À quel point la mairie de Vernon est impliquée dans le festival ?
LG : On me laisse pas mal carte blanche ! Le maire aimerait surtout que les habitant•es de Vernon viennent au festival. Je pense que c’est un public qui n’écoute pas forcément ce genre musical. C’est pour ça qu’on a programmé des artistes plus techno ou entertainment, comme Michel Hubert, pour qu’il y ai quand même une proposition artistique dansante pour un public qui aime moins les guitares et les batteries.
Pour moi, c’est quand même important d’avoir une programmation rock, pour garder l’essence du nom du festival. Rock in The Barn a été créé par l’ancien directeur-programmateur pour faire des concerts avec ses copain•es dans une grange. Au fil du temps, il a invité d'autres groupes qu’il rencontrait en tournée et petit à petit c’est devenu le festival que c’est aujourd’hui. Mon intérêt c’est aussi de faire découvrir des artistes, comme cette année avec Camion Bip Bip. C’est pas très rock, mais ça y ressemble dans la démarche, dans le message.
ZP : As-tu l’impression qu’il y a un retour du rock dans la prog des festivals ?
LG : Je ne trouve pas, parce que j’ai toujours été assez intéressée par le rock et j’ai grandi en Normandie, et comme il y avait Le Rock dans tous ses états à Évreux (27), la programmation a toujours été très rock. Les festivals ont toujours programmé du rock, mais ces cinq dernières années, il n’y avait pas d’énormes têtes d’affiche. De nombreux groupes sont devenus des têtes d’affiche. Pas mal de festivals sont des tremplins pour certains groupes. En 2019, on avait programmé Altın Gün et quatre ans plus tard, ils jouaient sur la grande scène de Rock En Seine !
J’ai l’impression que le rock a toujours été présent en Normandie. Historiquement, il y a une base militaire américaine à Evreux. Après la seconde guerre mondiale, il y avait plein d’Américain•es qui étaient présent•es. Un des premiers concerts de Jimi Hendrix, c’était ici ! Et puis le fait que la région soit aussi proche de l’Angleterre, ça fait qu’il y a pas mal de groupes qui viennent. Les premiers concerts des groupes anglais, ça a toujours été ici. Et puis il y a pas mal de café-concerts à Caen, à Rouen. Depuis cinq ou six ans, Le Havre développe beaucoup sa scène rock aussi. Et puis la Normandie c’est pas si loin de Paris, donc ça aide certains groupes à se développer plus facilement !
Alors, convaincu•e ou pas ? La Normandie est une terre de rock et de pogos ? Si vous souhaitez vérifier par vous-même, on a une surprise pour vous ! Poisson Vélo vous fait gagner des pass deux jours pour Rock in the Barn qui prend place à Vernon du 12 au 13 septembre prochain !
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Cette newsletter a été réalisée par Lorène Bienvenu, Zoé Pinet, Nina Decup et Elisa Verbeke.